La question exilée: miroir des désordres du monde

De l’ethnographie à la géopolitique

Didier Fassin

Dans le cadre de la remise des insignes Docteur Honoris Causa de l’ULB, le professeur Didier Fassin donnera une conférence sur le thème de l’exil, organisée par la Faculté de Philosophie et Sciences sociales de l’ULB.

 

Didier Fassin est professeur de sciences sociales à l’Institute for Advanced Study et directeur d’études en anthropologie politique et morale à l’École des hautes études en sciences sociales. Il a été titulaire en 2021 de la chaire annuelle de santé publique du Collège de France. Anthropologue, sociologue et médecin, il est habilité à diriger des recherches en santé publique et en sciences sociales. Cofondateur de l’Iris, Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (université Paris 13-EHESS-CNRS-Inserm), il en a été le premier directeur. Visiting Professor à l’université de Princeton, il a été professeur invité dans de nombreuses universités dont celles de Hong Kong, Chengdu, Melbourne, Johannesburg, Buenos Aires, Cambridge et Bruxelles. Récipiendaire en 2016 de la médaille d’or de l’anthropologie à l’Académie royale des sciences de Suède, il a été en 2018 le premier chercheur en sciences sociales à recevoir la Nomis Distinguished Scientist Award. Il a notamment donné les Tanner Lectures à l’université de Californie, Berkeley, et les conférences Adorno à l’Université Goethe de Francfort. Ancien membre du conseil scientifique de l’Inserm et des comités d’éthique de l’Inra et de l’Institut Pasteur, il fait partie du conseil scientifique de la Ville de Paris et du Comité consultatif national d’éthique. Ancien vice-président de Médecins sans frontières, il préside aujourd’hui le Comede, Comité pour la santé des exilés.

 

Médecin et socio-anthropologue français, Didier Fassin est professeur de sciences sociales à l’Institute for Advanced Study de Princeton et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS – Paris). Fin 2019, il a été élu au Collège de France à la chaire annuelle consacrée à la santé publique. Trois ans plus tard, en 2022, il y est élu professeur statutaire, titulaire de la chaire « Questions morales et enjeux politiques dans les sociétés contemporaines ».

 

Fort de sa double formation en médecine et en anthropologie, Didier Fassin s’est d’abord spécialisé dans le domaine de l’anthropologie médicale. Les politiques de santé et les inégalités face à la maladie sont au cœur de ses recherches sur le Sénégal, l’Afrique du Sud, l’Equateur et, pour une part, la France. A partir des années 2000,  il s’est lancé dans un nouveau programme de recherche sur la politique sécuritaire et sociale de l’Etat français, qui l’a conduit à réinscrire sa réflexion dans le domaine plus large de l’anthropologie politique et morale. Investir autant de terrains différents et parvenir, sur chacun d’entre eux, à s’imposer comme un auteur de référence est rare en sciences sociales.

 

Malgré la diversité des terrains et des questions qu’ils abordent, ces livres se singularisent par une forte cohérence dans la problématique, l’approche théorique et la politique de recherche qui les sous-tend. Qu’il s’agisse de la lutte contre le sida, de la gestion des demandeurs d’asile, des contrôles policiers dans les banlieues parisiennes, ou encore de la prison, tous relèvent d’une même problématisation au sens de Michel Foucault, celle du gouvernement de catégories de personnes souvent vues comme « indésirables ». Pour analyser ces différentes politiques, Didier Fassin prend à chaque fois appui sur de longues enquêtes ethnographiques, qui visent à saisir le point de vue des différents acteurs en présence à partir de leurs pratiques et discours au quotidien, et une approche critique, qui resitue ces pratiques et discours dans les rapports de pouvoir auxquels ils participent. Au croisement de l’anthropologie et de la sociologie, les travaux de Didier Fassin ont en commun de porter une attention particulière au corps, aux affects, à la morale, aux inégalités face à la vie, et à l’histoire.

 

Ces différentes ethnographies critiques présentent la particularité d’être en prise avec l’actualité du moment. La lutte contre le sida des années 1980-1990, les interventions humanitaires des années 1990-2000, le tout sécuritaire des années 2000-2010 : autant de « problèmes » qui cristallisent ce qui apparaît à chaque fois comme l’air d’une époque. Dans chacun de ses ouvrages, Didier Fassin discute des analyses qui sont proposées de ces problèmes par les politiques, les journalistes et les intellectuels dans les médias à partir d’une analyse des chiffres à disposition, du discours des acteurs et d’une description fine des interactions sur le terrain. Ce faisant, son ambition n’est ni dénoncer une situation, ni de formuler des recommandations, mais bien d’apporter un éclairage empirique, c’est-à-dire à la fois compréhensif, critique et historique. C’est pour lui la meilleure contribution que les sciences sociales peuvent apporter aux enjeux de notre monde contemporain.