Médiation et gestion de la diversité en Belgique

Entre pacification et émancipation

Un article de Massimo Bortolini, chargé de projets au Centre de ressources du CBAI, paru dans la Revue des Médiations (n° 1, été 2022) : “Médiations et diversité culturelle (1/2) – Approches théoriques”.

 

L’auteur analyse le contexte social et politique d’émergence des métiers et des fonctions de la médiation sociale et interculturelle en Belgique francophone depuis les années 90 et interroge les limites des dispositifs de médiation mis en œuvre par les pouvoirs publics.

 

Les révoltes de Forest et leur forte médiatisation (mai 1991), la victoire électorale du Vlaams Blok (novembre 1991), la création du Commissariat royal à la politique des immigrés (1989) sont autant d’événements qui ont en commun l’immigration. Les immigrés et les jeunes qui sont nés et ont grandi en Belgique – toujours fantasmés comme de passage ou en voie de retour au pays – affirment davantage et sans cesse leur présence définitive, notamment par des revendications dans l’espace public, qui prennent parfois aussi l’allure de révoltes, et (re)deviennent la cible privilégiée de l’extrême-droite, en particulier flamande. Dans un contexte de discrédit de l’autorité publique et de hausse du sentiment d’insécurité, le gouvernement fédéral entend développer des politiques sociales (en réalité surtout axées sur la prévention et de sécurité), associant d’autres niveaux de pouvoirs – Régions et communes – ce qui donnera naissance aux contrats de sécurité. C’est ainsi, en grande partie en lien avec la sécurité/insécurité, que la médiation entre en scène, mais aussi d’une façon plus générale en réponse aux ruptures des liens sociaux, en réponse aux conflits interindividuels, en réponse aux conflits urbains identitaires.

 

La médiation, telle qu’envisagée en Belgique, a d’emblée eu, et continue d’avoir un objectif de pacification plutôt que d’émancipation. Si l’on considère, d’une part, l’objectif d’émancipation comme étant de faire de l’usager un sujet politique, de construire collectivement les normes, de privilégier l’empowerment, c’est-à-dire considérer le conflit comme intégrateur, de privilégier une approche collective ou communautaire et, d’autre part, l’objectif de pacification comme étant de faire de l’usager le public-cible d’une politique publique, de viser à la normalisation et à la dissolution du conflit, de professionnaliser les interventions et d’individualiser les problèmes, on peut affirmer que c’est la seconde option, celle de la pacification, qui est privilégiée et qui est au cœur de ces politiques, dont la médiation fait partie. L’objectif d’émancipation était et demeure anecdotique.

 

En fin de compte, la dimension interculturelle semble avoir peu de liens avec ces politiques. En effet, si on considère que privilégier une approche interculturelle dans la recherche de solution à une situation problématique, équivaut à chercher un terrain d’entente, un compromis, une mise en relation et confrontation pour parvenir à une inclusion des points de vue et des populations, force est de constater que ce n’était pas le cas.