“Ce matin j’ai honte de mon Gouvernement”

Mehdi Kassou dans la matinale de Bel-RTL – 2 juillet 2021

Le 23 mai dernier, 430 personnes sans-papiers ont entamé une grève de la faim à l’église du Béguinage à Bruxelles, à l’ULB et à la VUB. Elles réclament l’élaboration de critères clairs de régularisation, tenant par exemple compte du travail et de l’ancrage des personnes dans le pays. Leur état de santé se détériore de jour en jour. Mehdi Kassou, porte-parole de la plate-forme citoyenne de soutien aux réfugiés, était l’invité ce vendredi 2 juillet de la matinale radio de Bel RTL pour témoigner de ce désastre humanitaire et dénoncer l’intransigeance du gouvernement fédéral et de son secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration. Nous reproduisons ci-dessous le texte d’intervention qu’il a publié sur sa page Facebook et la vidéo de son interview.

Je sors du studio de Fabrice Grosfilley (sur la matinale de BEL-RTL) la gorge sèche, l’estomac noué, un goût amère en bouche et avec le sentiment d’avoir complètement manqué une occasion de faire entendre pourquoi je pense fondamentalement indécente la réaction du Premier Ministre et de son gouvernement au sujet de la régularisation des grévistes de la faim.

 

Ce matin j’ai honte de mon Gouvernement comme jamais auparavant et pense que la honte devrait vraiment changer de camp.

 

Le Gouvernement tente de faire culpabiliser les organisations, les citoyen.ne.s, les militant.e.s, les “partis francophone”, en les accusant presque d’être ceux/celles qui ont provoqué et entretiennent la grève de la faim.

 

Rappelons-le, c’est le désespoir de vivre sur le territoire belge depuis 5, 10, 15, ou 20 ans et d’y travailler presque comme des esclaves (sans droits ni sécurité sociale) qui pousse ces personnes à se sacrifier pour leurs droits.

 

C’est l’absence de perspectives pour les familles, les enfants et le risque de devoir retourner dans un pays dont on ne sait plus rien ou dont les enfants ne connaissant rien qui pousse au désespoir.

 

La honte devrait changer de camp et la politique fédérale retrouver son bon sens parce que c’est son rôle de continuer à ressentir jusque dans ses assemblées, la honte de voir toute une catégorie de personnes vivre dans l’ultra précarité.

 

C’est l’hypocrisie de notre gouvernement qui sait que ces personnes existent, qu’en grande majorité, elles travaillant et sont exploitées, qui devraient les couvrir de honte.

 

C’est l’hypocrisie du gouvernement qui sait que notre Belgique vieillissante a cruellement besoin de régulariser pour ne pas s’effondrer derrière son déambulateur qui devrait les pousser à penser des solutions pragmatiques et audibles pour chacun.e d’entre-nous.

 

Et pire que l’hypocrisie, c’est le silence ou le dos rond qui tuent. C’est se taire et laisser faire, qui rend complice. C’est laisser la voix (et la voie) aux frères Francken (NVA) et Vanlangenhoven (VB) qui entretiennent et déblaient le terrain aux idées d’extrême-droite.

 

Aucune proposition n’a été faite, aucune stratégie n’est menée par le gouvernement vivaldi pour lutter concrètement contre les idéologies extrêmes portées par l’opposition flamande.

 

Pourquoi aura-t-il fallu aussi longtemps pour former un gouvernement sans la NVA, pour que finalement ce soient ses méthodes (ou pire) qui soient appliquées?

 

Les fantômes puants de la NVA et du Belang font peur, certes, mais on ne fait pas de politique avec un épouvantail. Les possibilités de sortie de cette crise sont nombreuses et les 20 dernières années ont amené suffisamment de pistes de réflexion qui permettraient à tout un chacun, et surtout aux grévistes, de sortir indemnes de cette crise.

 

Une conférence interministérielle? OK, mais DEMAIN, pas dans 3 mois.

 

Une zone “neutre”? OK, mais réellement neutre!

 

Une régularisation temporaire qui permette à ces personnes d’être soignées et puis entendues? Pourquoi pas?Des permis de travail délivrés aux travailleur.euse.s sans-papiers par les régions et une action des-dites régions auprès du fédéral pour permettre ensuite à ces travailleur.euse.s de circuler librement pour se rendre au travail.

 

Un gouvernement qui s’assume s’adresserait à ceux qui ont trouvé des solutions au lieu de craindre ceux qui ont amené ces blocages racistes et contre-productifs.

 

Une gouvernement ne fait pas “barrage” contre des idées, passez moi l’expression, “de m**de”, il développe des idées qui nous permettent de faire société, au risque de se voir un jour inondé des idées que nous aurons essayé de bloquer.

 

Des vies sont en danger, et si des personnes devaient mourir, la responsabilité ne sera pas du côté de ceux et celles qui soutiennent et disent aux sans-papiers de ne pas perdre espoir.

 

La responsabilité sera du côté de ceux et celles qui auront été silencieux.euses et n’auront pas fait TOUT CE QUI EST EN LEUR POUVOIR pour changer les choses.


L’union des sans papiers pour la Régularisation
Coordination des sans-papiers de Belgique
www.wearebelgiumtoo.be


Régularisation immédiate des grévistes et inscription dans la loi, de critères clairs de régularisation.
Avant qu’il ne soit trop tard.

 

Mehdi Kassou, porte-parole de la plate-forme citoyenne de soutien aux réfugiés.

2 juillet 2021

 

Voir l’entretien sur le site de BEL-RTL

 

Nous renvoyons également à l‘interview éclairante dans Matin Première d’Andrea Rea, professeur de sociologie à l’ULB et directeur du Groupe d’étude sur l’ethnicité, le racisme, les migrations et l’exclusion (GERME). 

MEHDI KASSOU SUR BEL RTL (LA MATINALE)

2 juillet 2021

 

ANDREA REA SUR MATIN PREMIERE

2 juillet 2021