#364 - novembre/decembre 2022

Notre amitié doit servir aux autres

Info dessinée

“Quand un reportage sur les camps de prisonniers djihadistes passe à la télévision, je regarde, même si ça me fait très mal. J’essaie de reconnaître mes petits-enfants à l’écran… Zakaria devrait avoir 7 ans, et Mohamed 4 ou 5 ans…” Fatima Ezzarhouni ne les connait pas. Elle s’accroche à une photo où Zakaria était bébé. Elle n’a pas la moindre idée où ils se trouvent aujourd’hui mais garde espoir qu’ils reviennent sains et saufs avec leur maman. Fatima n’est pas la seule grand-mère lestée par l’incertitude.

 

Dans les camps en Syrie et en Irak, les autorités belges estiment qu’il resterait encore 17 enfants qui pourraient être rapatriés en Belgique. 

 

Selon le bureau du Délégué général aux droits de l’enfant, ce chiffre est cependant à relativiser. En effet, il s’agit d’enfants qui, du point de vue des autorités, pourraient prétendre à la filiation belge. Autrement dit, l’Etat considère que leur mère est assurément belge – une assurance indispensable car la Belgique ne veut pas être mise en difficulté en prenant le “risque” de rapatrier des enfants non belges. Or, des enfants sont susceptibles d’avoir un père belge et une mère d’une autre nationalité, ce qui pourrait augmenter le nombre d’enfants qui auraient un lien avec la Belgique – c’est d’ailleurs le cas des deux petits-fils de Fatima Ezzarhouni, dont la mère est hollandaise. Or l’Etat belge ne prend pas ce critère de filiation en considération.

 

En outre, des mères belges ont perdu ou sont en risque de perdre leur nationalité belge. Difficile dès lors de prédire ce qu’il adviendra des enfants dans ce cas. 

 

Il y a aussi des mères qui ont peut-être menti sur leur nationalité pour entrer dans les camps de prisonniers du nord-est de la Syrie afin de ne pas être associées aux ressortissants européens et au régime de détention dans lesquels ils se trouvent, ou pour préserver leur anonymat et éviter les poursuites pénales.

 

Enfin, les informations sur les naissances dont on dispose sont relatives. D’une part, les autorités belges (et même les services de renseignements) ont un accès limité aux informations dans cette région. D’autre part, la qualité de ces informations n’est pas garantie. Par exemple, si des registres de naissance existent, leur bonne tenue administrative par les Kurdes qui administrent les camps de prisonniers n’est pas sûre pour autant.

 

En attendant, la situation sur place reste critique. Les conditions climatiques, sanitaires, sécuritaires, humanitaires et administratives mettent les enfants en danger de mort. En outre, on sait que la durée du temps passé à survivre dans de telles conditions impacte durablement leur état physique et psychologique. Les derniers enfants rapatriés présentent un état aggravé par rapport à ceux rapatriés avant eux. Malgré leur forte résilience, plus les enfants restent longtemps sur place, plus ardue sera leur intégration dans notre société.