#375 - janvier/février 2025

Chilien·nes de Belgique

L’intime et le collectif

Les chiffres sont imprécis. Jusqu’à 1 million de Chiliens ont fui la dictature de Pinochet (de 1973 à 1990), et quelques milliers de ces réfugiés politiques ont été accueillis en Belgique à partir de 1975.

 

Qui dit exil politique, dit migration forcée, en opposition au caractère prétendu « volontaire » de la migration économique. L’affirmation mérite pourtant nuance. Lorena Ulloa, anthropologue chilienne assistante et doctorante à l’ULiège, questionne ce clivage: “Aucune migration n’est totalement volontaire ni dissociée de ses causes, qu’elles soient économiques, politiques, environnementales ou un mélange de celles-ci en étroite imbrication”1.

 

La spécificité de l’exil des Chiliens et Chiliennes relève en tous cas de l’accueil qu’ils ont reçu ici. Pouvez-vous imaginer des sympathisants qui les attendaient à l’aéroport avec des fleurs pour leur remettre les clefs d’appartements meublés? Quel arrêt sur image réconfortant!

 

L’hospitalité, les liens gardés avec le pays, avec la famille, la langue et la culture, l’espoir empêché d’un retour au pays, la perte de repères en même temps que la construction d’un nouveau cadre qui ne pourra tenir sans une pièce majeure : la transmission des histoires familiales – traumatismes compris. Des témoins de trois générations racontent ces épisodes, rythmés par des aller-retours incessants de l’intime au collectif.

 

En refermant ce dossier, on ne pourra s’empêcher de tracer des parallèles entre le Chili des années 1970 où s’imposa le fameux “laboratoire” ultralibéral à coups de détricotage des services publics, d’austérité, de répression, d’infox à tout crin, et notre actualité politique qui nous promet des tourbillons violents. Matière à réflexion. Matière à réaction.

[1] Lorena Ulloa, “L’exil chilien à Liège, trois générations en miroir”, in Aide-mémoire, n° 93, juillet-août-septembre 2020.

SOMMAIRE

Tanju GOBAN

Co-coordinateur du Festival BRuMM

Composite associatif
des exilés révolutionnaires latino-américains à Bruxelles

Jorge MAGASICH AIROLA

Les exilés politiques latino-américains ont ressenti le besoin de disposer de lieux où effectuer des activités d’opposition aux dictatures et de solidarité envers les victimes, tout en retrouvant la culture du pays perdu.

 

Souvenirs d’amitiés militantes

Paul DELMOTTE

Pourquoi, aujourd’hui encore, lorsque je regarde un documentaire sur la fin de Salvador Allende et de l’Unité populaire, les larmes me viennent-elles immédiatement ?

 

Les yeux entre deux mondes

Mauricio COULON

Parler de l’histoire du Chili, c’est poser des questions universelles sur l’engagement, la justice sociale, les dangers d’un système néolibéral dont ce “laboratoire” a incarné les dérives extrêmes.

 

Cartographier nos mémoires pour écrire nos territoires

Ema TYTGAT PAREDES

Artiste anthropologue

Je m’intéresse aux traces laissées par nos communautés dans des lieux qu’elles ont animés. Au fil des rencontres, je livre des témoignages de nos présences sur le territoire au passé et au présent.


Porte-voix

Entretien avec Désirée et Alain FRAPPIER

Dans leur roman graphique en trois tomes, Désirée et Alain Frappier nous entraînent à travers la mémoire et l’histoire socio-politico-économique du Chili.

 

Un combat de plusieurs générations

Paola PEEBLES VLAHOVIC

Ma confiance en l’humanité est liée à la résilience de mes parents, exilés politiques, et à l’accueil de la Belgique.

L’actualité des sans-papiers

Entretien avec Youri Lou VERTONGEN

Dans “Papiers pour tous”, Youri Lou Vertongen relate 40 ans de mobilisation en faveur de la régularisation des sans-papiers en Belgique, de 1974 à 2014.

Transe continentale

Kenan GÖRGÜN

En mars 2025, le statut de protection temporaire des Ukrainiens en Belgique prend fin. Test rapide: je prononce le mot migrant, combien pensent ukrainien?